« Le beurre faisait partie des aliments composant le régime alimentaire dès les premiers temps de la Nouvelle-France. Il était utilisé dans la cuisine concurremment avec la graisse, le saindoux et même l’huile d’olive. [...] Pendant longtemps, on s’en tiendra à une production beurrière limitée par les moyens dont on disposait : faibles troupeaux laitiers et techniques de fabrication et de conservation peu élaborées.
Plus tard, vers la fin du XIXe siècle, l’agriculteur se rendra compte, l’information aidant, qu’il peut retirer beaucoup de profits par l’exploitation d’un troupeau laitier dont la production pouvait être dirigée vers les fromageries et beurreries qui commencent alors à être établies en maintes endroits. [...] Des beurreries seront créées et prendront de l’expansion, notamment en raison de la demande des marchés urbains qui doivent répondre aux besoins d’une population grandissante. La beurrerie et la fromagerie feront dorénavant partie, comme le moulin à farine, du paysage rural, comme parties de l’économie locale et lieux de sociabilité. Le beurrier occupera donc une position importante parmi les artisans et les commerçants de la place, car c’est grâce à son savoir-faire que les habitants auront accès à une source additionnelle de revenus. [...]
En 1881, on comptait 22 beurreries au Québec. Puis, il y eut par la suite, multiplication rapide, puisqu’en 1910 on en comptait près de 800. [...]
À leur début, les beurreries utilisaient le système d’écrémage spontané ou naturel; elles extrayaient la matière grasse du lait d’après le système Schwartz, qui consistait à écrémer le lait en le laissant reposer dans de grands vases plats, opération qui demandait de vingt-quatre à trente-six heures. Le beurre se fabriquait ensuite dans une baratte en bois. Dans les années 1910, on introduisit l’écremeuse-centrifuge qui prit la place du système d’écrémage naturel et la baratte en acier inoxydable remplaça la baratte de bois. (R. Voisine et al., 1978 : 168 et 169)
Le ramassage du lait se faisait par groupements de six ou sept cultivateurs qui devaient transporter le lait à la beurrerie chacun leur tour. En hiver, ces cultivateurs, en corvée, devaient couper la glace pour les besoins de la glacière dans laquelle on accumulait le beurre. [...]
Selon la tradition orale, il existe des interdits concernant la fabrication du beurre. On prétendait qu’il ne fallait jamais fabriquée de beurre à marée montante car il ne tournerait pas. (J. Roy et J. Couture, no 1, juin 1981 : 4). La femme menstruée ne devait pas fabriquer de beurre, car il aurait mauvais goût. Une femme menstruée ne devait pas entrée dans une beurrerie, car le beurre ne tournerait pas. Par contre, on peut toujours remédier au mauvais sort. Si le beurre ne tourne pas, il faut mettre un objet bénit dans la crème, un jonc de mariage, une médaille, etc. (Pomerleau, 2003 : 89-103) »
Référence :
Texte tiré de l'ouvrage de Jeanne Pomerleau, « Métiers des campagnes. Tome 2 : Des métiers pour le corps », Sainte-Foy, Éditions GID, 2003, p. 89-103.
Collections :
Tricentenaire de Saint-Jean-Port-Joli
Municipalité de Saint-Jean-Port-Joli (Photographe : Alphonse Toussaint (1918-2008))
Musée de la mémoire vivante (Photographe : Isabelle Hardy)